Comme une envie de ...

... t'écrire

Chère Sarah,

Je me suis éloignée de toi et du reste du monde. Ca a l’aire égoïste, mais j’en avais besoin.
Tu en sais plus qu’il n’en faut à mon sujet. Si tu savais à quel point ça m’effraie.

L’amitié est quelque chose de précieux pour toi, une amitié que j’observe et que j’admire sans pour autant comprendre l’essence même du mot. Tu es prête à tout donner pour que tes amis si chers à ton coeur soient heureux. Tu valorises une personne quelconque au point qu’elle se sente unique.

Mon handicap émotionnel t’a plus d’une fois interpellée, voire même choquée, mais tu n’as jamais baissé les bras et tu as toujours essayé de comprendre comment mon cerveau fonctionnait.

Je t’ai souvent parlé de mes visions morbides, de mes troubles, de mon envie de partir et de mon monde fantastique.

Te souviens-tu des gens toxiques que j’essayais de ne plus croiser lorsque j’avais besoin de calme dans mon pot-pourri d’émotions ? Je me demande aujourd’hui si ce n’était pas moi ta personne toxique.

Les dernières crises ont fait grandir cet instinct de survie que j’avais mis de côté depuis quelques années. J’ai construit un mur entre le monde et moi.
Mon regard et mes écouteurs suffisent à éloigner les gens et je me retrouve enfin seule, comme je l’ai souhaité et comme je l’ai toujours été d’une certaine façon.
Je retrouve le gout de faire ce qui me plaît et comme il me plaît sans dépendre de qui que ce soit, je me laisse porter par mon instinct. J’avance petit à petit sur tout ce que je n’ai pas eu le temps de faire et qui pourtant m’est essentiel : le dessin, les livres, la photo, mon monde.

Malheureusement je retrouve aussi le désagréable affrontement avec moi-même.

Malgré ma bulle qui s’épaissit de jour en jour, j’aperçois que tu t’épanouis avec ces nouvelles amitiés. Te voilà parti pour de nouvelles aventures. Au fond je sais que c’est ce qu’il te faut, car elles sont ton reflet alors que j’étais ton opposé.

En ce moment plus rien ne me touche, je suis comme morte. Je sais que par mon isolement je te perds et je perds aussi le lien avec le monde normal, mais là, tout de suite, ça ne me fait ni chaud ni froid. Je ne ressens ni colère, ni peine, ni amour, ni joie.

Je reste néanmoins convaincu que si tout devait s’arrêter entre nous c’est que les choses ne pouvaient se passer autrement, que l’on a pris part à quelque chose d’unique pour qui sait le voir. On a été là où l’on devait être. Tu m’as appris certaines choses au bon moment et j’en ai fait de même.

La parano me reprend et sans personne pour me donner les réponses, je suis perdue.

Depuis la dernière soirée où tu as mis en musique tout ce que tu avais appris sur moi afin de calmer cette énième crise vide de sens, j’ai l’impression que quelque chose a changé dans ton regard.
Je n’arrive pas à savoir si tu as toi-même coupé le fil ou si tu es simplement fatigué de me voir plonger aussi fréquemment. Es-tu lassé de me rattraper?
L’invitation à cette fête chez ta nouvelle amie m’angoisse. As-tu vraiment envie que je sois là ? Est-ce juste de la politesse?
Mon être me supplie de ne pas y aller. J’imagine déjà ne pas me sentir à ma place.

Les réponses viendront en temps voulu, c’est la nuit obscure, le saut de la foi.

Quel dommage que tu ne puisses pas lire ces lignes, non seulement parce que je les cache mais aussi parce que tu détestes lire.